Dans un contexte de regain d’intérêt pour les fibres naturelles et locales, ce projet, initié par l'association de filière Lainamac, s’inscrit dans la volonté de valoriser et promouvoir la filière laine francaise.
Depuis plusieurs années déjà, Lainamac s'engage dans le développement de fils tracés depuis l'élevage. En partenariat avec les deux filatures de Creuse, ce travail en amont de la filière a abouti à un référentiel de fils de laine 100% française. C'est dans une volonté d'explorer le potentiel de cette gamme de fil, que je suis intervenue auprès de Lainamac.
Au travers de ce projet de recherche, je cherche à proposer un nouveau regard sur la laine, à enrichir notre manière de la travailler, à permettre de nouveaux effets, propriétés et usages.
Comment ouvrir de nouvelles perspectives dans la perception et le travail de la laine ? Comment faire de cette ressource locale la matière des créateurs de demain ?
De la toison, au fil puis à l'étoffe, la laine suit un processus de transformation complexe qui implique de nombreux acteurs. La laine n'est pas une matière unique mais une famille de matériaux très variés dans ces propriétés et ces qualités plastiques. En fonction de la race de l'animal, de la manière dont la fibre est transformée,de son usage… les contraintes et les procédés de mise en oeuvre diffèrent.
Il était donc important de démarrer le projet par la rencontre de différents acteurs de la filière. En Creuse, les filateurs, les teinturiers, les tapissiers, les tisserands que j'ai rencontré m'ont permis de mieux saisir la complexité et la richesse du processus de fabrication de la laine ainsi que ses débouchés. Les objectifs, les besoins et les contraintes de chacuns sont autant d'informations qui ont posé les bases du projet.
Sans cloisonner la recherche à un domaine d'application, ou à répondre à une demande du marché, la connaissance des problématiques et des objectifs de chacun m'a donné une vue d'ensemble qui a permis de poser les bases du projet.
©Filature Fonty
C’est au sein de la société Blanchard, spécialiste de l’assemblage de fils que j'ai pu développer ce travail de recherche sur les assemblages et les croisements de matières.
Reconnue entre autre pour la fabrication de fils métalliques, la société Blanchard produit une large gamme de fils guipés, retordus et fantaisie à destination des marchés de l’habillement et de l’ameublement ainsi que des fils techniques, conçus pour des applications industrielles.
Pour mener à bien ma recherche l'entreprise à mise à ma disposition leur atelier et avec les différentes équipes, j'ai pu explorer trois types de structures de fil : le guipage, la frange et la tricotine. L'idée étant de tirer parti du savoir-faire de l'entreprise pour faire émerger de nouveaux effets. J'ai donc pris le temps de comprendre leur technique, leur spécificité, leurs contraintes de productions pour composer avec en phase de conception.
Une fois le cadre du projet posé, j'ai pu entrer à proprement parler dans la conception du projet et de mes axes de recherche.
Cela est passé par un temps d'observation de la matière et la formulation de mes intentions : quels sont les qualités de ce fil ? qu'est ce que je souhaite lui apporter ? Vers où je souhaite amener cette matière ? Pour produire quels effets, quelles sensations, quels ressentis voir même quelles propriétés, quelles applications ?
J'ai ensuite cherché comment retranscrire ces intentions en dessins, en proposant des associations et des assemblages de matières inédits. J'ai donc proposé de nouvelles hypothèses, tout en faisant des liens avec ce que l'entreprise savait faire pour que nous puissions avancer ensemble.
Après avoir échangé sur mes propositions, un temps en immersion au sein de la société Blanchard, au cotés des chefs d'ateliers m'a permis de tester et mettre au point les prototypes des différents fils. Ensemble, du premier essai, nous avons pu progressivement nous approcher de mes intentions de départ.
C'est durant cette phase du projet que nous nous sommes confronter aux limites de la matière et des outils. En réaction, chaque nouvel essai nous permet de contourner les contraintes techniques, d'ajuster les tests au vu des résultats obtenus, de trouver les bons réglages pour rendre l'éffet plus impactant. Les échanges avec les techniciens ont alors été source de grande richesse pour arriver aux résultats souhaités.
Après un bilan effectué des échantillons, j'ai sélectionné les plus prometteurs afin de proiriser les prochains essais à effectuer. A ce stade du projet, donner de la cohérence, créer du lien entre les fils est primordial. J'ai donc organisé notre sélection de fils en 3 axes de recherche. Plusieurs fils seront ensuite exploités à l'échelle de la surface afin d'en saisir davantage le potentiel.
Une fois le développement des fils et des surfaces terminés, j'ai alors travaillé sur la présentation du projet avec le studio La Racine. Partenaire du projet depuis ses débuts, le studio est en charge de la direction artistique du showroom pour la Paris Design Week.
Ensemble nous avons donc réfléchi à la mise en valeur du travail accompli. Il s'agissait avant tout de rendre la recherche accessible malgré la petite échelle du fil.
La scénographie, la mise en scène des fils et la réalisation des carnets d'échantillons ont donc été des au centre de nos préocupations pour montrer la portée du projet.
Pensé comme une sublimation, c’est l’envie de donner plus de brillance et d’élégance à la laine qui à guidé la réalisation de ces fils. Associée à des fils métalliques, la laine se pare comme une main d’un bijoux. Entre mat et brillant, gonflant et lisse, ces fils attirent la lumière et dessinent des lignes plus épurées.
Comme une invitation à revenir à la source, à se rappeler de la nature animale de la laine, ces fils nous font toucher les moutons du doigt. Chaque fil propose une représentation stylisée de la toison d’un mouton. Nous reprenons alors contact avec différents élevages, leurs couleurs, leurs textures, leur diversité.
Développés dans une volonté d’économie de moyen, ces fils permettent d’élargir l’éventail des teintes naturelles sans recourir à la teinture. En jouant avec les différentes races et les techniques d’assemblages, les couleurs se mixent, les teintes s’enrichissent jusqu’à devenir motif.
Étudiés dans leur volumétrie propre ou par l’association à d’autres fibres, ces fils sont développés afin d’augmenter les propriétés de la laine et de l’utiliser dans de nouvelles applications. Et si la laine se travaillait en volume ? C’est la capacité de ce matériau à créer du relief, à évoluer dans l’espace qui est proposé ici.
Intéressés par nos fils pour vos développements ?
N'hésitez pas à me contacter, je reste à votre disposition.